Souffleurs de Rêve
L'histoire commence avec les élucubrations bruyantes d'un troubadour perdu,
échappé d'un autre temps, qui cherche à retrouver les mots pour nous raconter
ce qui le hante depuis si longtemps. Ayant réussi à capturer un mot, un mot en
appelant un autre, une lueur d'espoir apparaît. Cette étincelle ravive l'image du feu
d'un souffleur de verre, Clarin, qui rêve de créer l'œuvre de sa vie, " un chef d'œuvre,
un ouvrage de verre pour attraper la lumière, une création si pure et si parfaite que le
monde entier en serait ébloui pour l'éternité ". Ce personnage, héros de notre histoire,
vit isolé dans la forêt. Un peu artiste, un peu alchimiste et peut-être même un peu magicien,
il a pour seul ami un Arbre immense, sans doute millénaire, qui lui procure tout le combustible
dont il a besoin avec le seul bois mort qui tombe de ses branches, des branches si longues
qu'elles touchent le ciel. Mais surtout, il entend sa voix et la voix de l'Arbre lui parle des
hommes qui ne savent plus l'écouter, il lui parle des êtres fabuleux, les " ÊtrAnges",
qui descendent du ciel le long de ses branches pour souffler des rêves
aux hommes pendant leur sommeil.
Un jour, cependant, le ciel s'assombrit et l'armée de Conrad de Saint-Guy,
le plus terrible des seigneurs de guerre, s'abat sur le pays. Celui-ci fait venir à lui
le maître verrier pour qu'il lui confectionne une couronne de lumière digne
de sa puissance et qui indiquera aux peuples du monde que c'est devant lui
qu'ils doivent se prosterner. Pour cela, il fait abattre le vieil Arbre, au grand
désespoir de Clarin. Pendant la nuit, un Dragon s'échappe du trou laissé
par l'Arbre déraciné et, furieux d'avoir été réveillé, il s'envole dans les nuages de l'orage.
Mais surtout, les ÊtreAnges s'adressent à Clarin durant son sommeil pour lui dire qu'ils
ne peuvent plus trouver la porte du ciel car l'Arbre était le chemin qu'ils empruntaient.
Ils lui demandent de leur trouver un autre chemin sinon les hommes " n'auront plus de
rêves et les temps obscurs s'installeront pour toujours ". Clarin promet de les aider,
s'évade durant la nuit et parcourt le pays à la recherche de cet "autre chemin".
En route, il rencontre notre troubadour-conteur à qui il se confie et qui lui redonne
le sourire avec ses facéties. Ensemble, ils arrivent dans une ville en plein Charivari.
Au château, Clarin voit Clothilde, princesse orpheline, dont il tombe amoureux.
Hélas, il ne peut rester car il a une promesse à tenir. Clothilde lui fait comprendre
que c'est dans son cœur et à travers son savoir qu'il trouvera la réponse et non sur les
routes du monde. Clarin réalise alors qu'il doit fabriquer un arbre de verre pour aider les
ÊtrAnges à retrouver le chemin de la lumière et cette idée le remplit de bonheur. Mais la fête
est vite interrompue par l'arrivée du Dragon qui plane comme une sinistre menace au dessus
de la ville. Clarin décide de l'attirer à lui, il le combat, le terrasse et lui laisse la vie sauve à
condition qu'il mette les flammes de son souffle à son service afin de fabriquer l'Arbre Verre.
L'ouvrage se fait dans le plus grand des secrets, mais les secrets ne le restent pas longtemps et,
de bouche à oreille, la rumeur s'enfle et se déforme. C'est ainsi que le bruit de l'existence d'un
trésor caché parvient à Conrad qui décide de s'en approprier. Ce dernier arrive dans
l'atelier de Clarin et découvre avec stupeur un arbre de Verre immense. Passée sa surprise, il se
met en colère car, aussi grandiose que puisse être cette création, elle ne lui est d'aucune utilité.
De rage, il frappe l'Arbre Verre et une pluie de flèches de verre s'abat sur lui. Le Dragon,
comprenant qu'il s'agit du responsable de son réveil, l'emporte alors avec lui dans les noirs
nuages de l'orage. Pris d'un fou rire, le troubadour se retourne vers Clarin et Clothilde, mais ils
ont disparu. A leur place, un vitrail les représente, entourant l'Arbre Verre d'où descendent
les ÊtrAnges. Le troubadour repart comme il est venu, ne sachant comment il pourrait
raconter cette incroyable histoire qu'il croit être le seul à connaître.
Les thèmes abordés par " Souffleurs de Rêve " sont ancrés, à la fois, dans le passé et
le présent. Du Moyen Âge, on retiendra le rôle important du symbole, de la représentation et,
plus généralement, d'une conception du monde où le mystère, la magie et le rêve occupaient
une place centrale. Sont évoqués les sceaux et l'héraldique, signes de reconnaissance pour les
puissants et les communautés, ainsi que l'enluminure et le vitrail, concentrés d'histoire donnés
à voir à ceux qui n'avaient pas accès à l'écriture. L'imagerie médiévale est riche et variée et
c'est dans cette diversité que les artistes de La Loupiote puisent les formes du spectacle.
Un autre thème en est la fragilité. Fragilité de l'homme et du monde qui l'entoure. Cette notion
est commune au passé (guerres, maladies et autres calamités étaient et restent bien souvent
le lot des hommes) et au présent (fragilité de la nature que l'action de l'homme peut détruire
s'il n'y prend garde). Le thème du verre est l'occasion, pour les artistes, de travailler sur la
transparence, le reflet etc. Cette matière garde son caractère magique car, depuis la nuit
des temps, elle est symbole de lumière et de pureté. L'histoire nous est contée par un
personnage qui rappelle le troubadour. Le troubadour parcourait le monde pour y
colporter Histoire et histoires. Poète ou journaliste, au service du rêve ou de
la réalité, il est la figure de celui qui nous apporte les mots,
qui raconte et brode le monde des hommes d'alors.
L'ombre et la lumière sont les matériaux qu'utilisent les artistes de La Loupiote
à travers leurs spectacles. La technique du théâtre d'ombres permet de conduire le spectateur
dans un monde proche du rêve. Son domaine est celui de l'incantation, de la vision merveilleuse
d'un passé ou d'un imaginaire perdu dont seul le reflet nous parvient et dont l'évocation
voilée reste magique. C'est également le terrain de l'éternel combat que mènent les
forces obscures et celles de la lumière (la vie et la mort, le bien et le mal) communes
à de nombreuses croyances et traditions de l'histoire humaine. De Platon à Freud, de la
caverne à l'inconscient, cette dualité touche l'homme au plus près. Cette récurrence a
trouvé, au moyen âge, un écho particulièrement brillant. A travers l'allégorie et le mystère,
les hommes l'ont illustré de mille manières. C'est Saint Georges terrassant le dragon,
le vitrail éclairant les hommes ou l'enluminure jetant ses feux sur les textes.
Cette lumière sensée apporter la vérité était cependant parfois utilisée
à de sombres desseins comme en atteste l'histoire (la purification par le feu
de l'inquisition en est un triste exemple). Ainsi, l'ombre peut-elle cacher la vérité traquée
et la lumière glorifier les plus vils penchants humains. Rien n'est jamais vraiment noir et blanc
et le monde est plein de subtiles nuances que seul l'homme sage sait reconnaître et traduire.
Le théâtre d'ombres joue sur ces contradictions. Lequel du rêve ou de la réalité
est le plus " vrai " ? Que cachent les apparences et quelle est l'origine de ce
que nous voyons ? Dans certains théâtres d'ombres traditionnels d'Asie,
seuls les hommes étaient admis à voir les manipulateurs à l'arrière de l'écran,
les femmes et les enfants en étaient exclus. C'est l'illustration du pouvoir que
détenait celui qui savait, l'ignorance était (et est encore !) une arme terrible
destinée à soumettre l'autre. Dans " Souffleurs de Rêve ", l'accent est mis
sur la dualité rêve/réalité. Ainsi, le troubadour/conteur ne sait s'il a
vraiment vécu cette histoire ou s'il l'a rêvée. C'est pendant leur sommeil
que les ÊtrAnges viennent souffler les rêves aux hommes. Dans l'histoire,
les hommes ne savent plus écouter les paroles de l'Arbre car
" ils n'y croient plus ", reléguant cette relation au domaine de l'irréel,
de l'imaginaire, de la chimère. Le théâtre d'ombres agit sur le fil fragile
qui sépare le monde en deux parties inextricables, le rêve et la réalité,
aussi impalpables que le sont l'ombre et la lumière et comme elles, indissociables.
Quelques images du spectacle
( en cliquant sur chaque image, vous pouvez la voir en plus grand
dans une nouvelle fenêtre que vous pourrez refermer ensuite )
Détails techniques...
- Espace scénique minimum : 6m d'ouverture, 4,5m de profondeur, 3m de hauteur
- Durée: environ 50 min.
- Jauge: maximum 200
- Age en séances scolaires: à partir de 6 ans
- Obscurité absolue indispensable
Pour plus de précisions encore...
Vous pouvez consulter le calendrier des représentations ici